Les autistes légers à l'école, les autistes sévères pour les psys?

Commentaire de Scania de Schonen à propos de l'article "Une nouvelle ère dans la prise en charge?" par Catherine Vincent, Le Monde, 9/03/2012:

Le dernier paragraphe de l'article suggère que les choses pourraient se dérouler à l'avenir de la façon suivante: On sépare en deux les jeunes enfants autistes, ceux qui relèvent de l'éducation et de l'approche comportementale et que l'on envoie à l'ecole maternelle avec une AVS ( formée aux techniques comportementales, si on est optimiste), et ceux qui, plus "atteints", relèvent de la psychiatrie pour "une approche plurielle et pacifiée".

Or la lecture des études d'évaluation de l'efficacité des interventions (voir les résumés de l'"Argumentaire" de la HAS version définitive, mars 2012 , pp.99-268) montre que l'approche comportementale développementale est plus efficace qu'une prise en charge "éclectique" pour environ 50% des enfants autistes, et ce indépendamment du niveau de sévérité (cf. pp 252-267). Au bout de deux ans d'une telle prise en charge, on parvient à les insérer progressivement dans un cursus scolaire normal (même pour des enfants entre 35 et 75 de QI ou de QD, sans langage au départ, etc...).

La réflexion et la recherche pluridisciplinaire sont nécessaires au progrès. Faire un bilan pluridisciplinaire régulier de l'enfant est également nécessaire. Mais ce qui ressort néanmoins des études d'efficacité des interventions, c'est qu'il faut adopter une approche homogène de tous les domaines de compétences à développer (imitation, attention aux autres, interprétation des intentions, langage, ...voir l'Argumentaire). L'approche homogène testée jusqu'à aujourd'hui est l'approche comportementale et développementale. Par ailleurs, on a toutes les raisons de penser qu'en développant chez l'enfant des moyens de communication et d'interaction, on diminue son anxiété et ses réactions violentes (d'où moindre nécessité d'une "camisole chimique"). De plus, plusieurs études ont abordé avec succès (mais ce n'est pas une panacée) la diminution de l'anxiété chez des enfants de plus de 6 ans avec des méthodes comportementales.

En situant les interventions comportementales hors du domaine de la psychiatrie, en en faisant un simple outil éducatif sans aucune conséquence "curative" (au sens par exemple de diminution de l'anxiété, ou de diminution des colères par le développement de la communication), l'auteur de l'article du Monde montre une totale incompréhension de la nature de ces interventions. Peu d'enfants peuvent avec profit intégrer directement l'école maternelle sans un guide comportemental. L'autisme relève bien du champ de la psychiatrie, mais d'une psychiatrie basée sur des thérapies évaluées et efficaces.

Il est vrai que les approches comportementales développementales ne "guérissent" pas, mais elles aident à développer les compétences d'interactions sociales et la maîtrise des capacités de représentations mentales, "l'intelligence". Même si ces interventions ne marchent pas pour tous les enfants, même s'il faut pour mener et contrôler ces interventions un personnel avec une formation universitaire de haut niveau, même si on ne comprend pas bien les mécanismes des améliorations, on peut espérer que d'autres interventions plus efficaces se développeront grâce au progrès des recherches.

Scania de Schonen, directeur de recherches émérite au CNRS

Libellés : , ,