Le "Collectif des 39
contre la nuit sécuritaire" est un collectif qui
défend une certaine idée de la psychiatrie française.
Dans sa charte, ce collectif
mêle des considérations humanistes à l'égard des patients en psychiatrie qui
peuvent recueillir une large approbation (en gros, les sept premiers points, si
l'on fait abstraction du terme de "folie" qui est anachronique et
donc étonnant de la part de psychiatres), à d'autres beaucoup plus
corporatistes visant de toute évidence à défendre les intérêts de certains
professionnels, en particulier les deux derniers points, qui refusent:
- "L’imposture
des protocoles standardisés pseudo scientifiques déniant la singularité de
chaque acte, de chaque projet soignant, de chaque patient."
S'il s'agissait vraiment de rejeter les pseudo-sciences, tout le monde serait d'accord. Mais il s'agit là visiblement de protocoles de soins psychiatriques qui sont justement issus de la médecine fondée sur des preuves, et dont il est tout à fait fallacieux d'affirmer qu'ils sont standardisés et qu'ils nient la singularité de chaque patient. Il faut donc comprendre que ce collectif rejette l'idée même d'une psychiatrie fondée sur des preuves. (à l'exact opposé du KOllectif du 7 janvier, ainsi que de l'AP4D et du Collectif pour une psychiatrie de progrès) - "La
mainmise de l’appareil technico gestionnaire tentant d’annihiler, de nier
et d’écraser la dimension créative et inventive de tout processus de
soin."
Il faut ici comprendre que les membres de ce collectif exigent de conserver le privilège exorbitant de dépenser l'argent public sans jamais devoir rendre de comptes sur la nature et l'efficacité de leurs pratiques.
Plus bas, il est indiqué "Nous défendrons un enseignement reposant en
particulier sur la psychopathologie". Cette affirmation pourrait sembler
anodine (voire tautologique) à toute personne qui croirait naïvement que
psychopathologie signifie simplement "pathologie psychologique". Mais
encore faut-il savoir qu'en France, la psychopathologie est aussi un nom de
code pour la psychanalyse lorsqu'elle ne veut pas dire son nom. En témoignent
par exemple les dizaines de spécialités de masters en psychologie dont les
intitulés mentionnent sobrement "psychopathologie" alors que leurs
contenus sont quasi-exclusivement psychanalytiques.
Derrière un paravent de bonnes intentions humanistes, ce collectif est donc
aussi un syndicat corporatiste défendant la prétention d'une partie des
psychiatres et psychologues français à faire strictement ce que bon leur semble
avec leurs patients (en particulier pratiquer la psychanalyse), sans avoir à prendre
en compte ni les connaissances scientifiques, ni les résultats des essais
cliniques évaluant l'efficacité des pratiques psychiatriques, ni le droit des
patients à bénéficier d'une psychiatrie fondée sur des preuves, ni celui des
cotisants et contribuables à savoir si leur argent est dépensé de manière
optimale.
Pour parvenir à ses fins, ce collectif produit régulièrement des textes
marqués par une rhétorique outrancière fleurant bon la théorie du complot, la
paranoïa et le délire de persécution, revenant constamment aux "heures
sombres de notre histoire" et n'hésitant pas à dénoncer la barbarie et le
totalitarisme à tout bout de champ. Le ton est donné dès le texte fondateur Un
mouvement pour la psychiatrie:
"Pourtant, peu après le tournant du siècle, l’Etat, mettant en pièce
le fondement démocratique de son assise, fit tomber sur le pays une lourde nuit
sécuritaire laissant l’épaisseur de l’histoire ensevelir le travail de ceux,
Bonnafé, Le Guillant, Daumézon, Tosquelles, Lacan, Paumelle, Lainé et d’autres,
dont nos générations ont hérité du travail magnifique."
Afin de mieux documenter cette fixation (à coup sûr "sadico-anale") sur la terreur
totalitaire, j'ai procédé à des recherches par mots-clés sur le site du
collectif. Voici le nombre d'articles contenant chaque mot-clé (j'ai utilisé
autant que possible des mots-clés tronqués permettant de regrouper les
différents mots d'une même racine):
Armé de quelques mesures objectives sur le registre lexical dans lequel puisent ces textes, on décèle plus clairement de quoi est fait "l'inconscient collectif" des 39. A lire ces textes, on
est d'emblée convaincu que nous sommes à l'aube de la 3ème guerre mondiale, que
les barbares sont à notre porte, armés jusqu'aux dents, prêts à venir jusque
dans nos bras égorger nos filles et nos compagnes. Aucune décence ni aucun sens
du ridicule ne semble pouvoir réfréner la logorrhée produite par ce collectif.
Même si d'ordinaire la meilleure réponse à ce genre de prose me semble être
la moquerie ou la parodie (comme Jean-Marie de Lacan s'en est fait
une spécialité, et comme je l'ai fait ici par exemple), c'est un
curieux incident qui m'a récemment donné envie de décrypter un peu plus
systématiquement l'action de ce collectif et donc d'écrire le présent article.
Les textes du collectif des 39 sont publiés sur son site propre, puis relayés
sur la
page Facebook éponyme, sur laquelle quelques
discussions s'ensuivent, pour la plupart des commentaires positifs de la part
de supporters du collectif, occasionnellement perturbées par le passage d'un
parent d'enfant autiste (la fonction Commentaires a été désactivée depuis longtemps
sur le site du collectif, une partie d'entre eux ayant sans doute été jugés
insuffisamment approbateurs). C'est ainsi qu'un communiqué de presse intitulé
sobrement "Police
de la pensée?" a été affiché sur le site le 20 avril, et immédiatement relayé sur
la page Facebook. Ce communiqué venait en soutien de la lettre ouverte du Dr Drapier protestant
contre le refus de l'Agence Régionale de Santé (ARS) d'Ile-de-France de
rembourser les frais d'une formation psychanalytique (lettre à laquelle le
collectif Egalited a apporté une excellente réponse sur le fond).
Le 27 avril, je me suis permis de poster le commentaire suivant sur la page
Facebook:
"La police de la pensée! Rien que ça! Après reductio ad
Hitlerum, reductio ad Orwellium. Décidément ce collectif ne recule
devant aucune énormité. Pourtant, si on lit bien la lettre de l'ARS, elle ne
comporte aucune interdiction de penser, ni de choisir librement son référentiel
théorique, ni de se former à tout ce qu'on veut, à la psychanalyse, au packing,
à la pataugeoire, aux ateliers-contes, à la scientologie, à l'aura indigo.
Chacun est libre de faire ce qu'il veut. Mais pas avec l'argent de
l'assurance-maladie ou des contribuables. C'est tout ce que dit l'ARS. Et c'est
bien la moindre des choses. Tout le reste n'est que rhétorique paranoïaque et
geignarde."
Puis j'ajoutai un lien vers l'excellente parodie qu'en a fait Jean-Marie de Lacan. Aucune
réponse n'a suivi, les commentaires ultérieurs se concentrant sur d'autres
sujets autrement plus importants. Puis, moins de 48 heures plus tard, le billet
a tout simplement disparu (et les commentaires avec, bien sûr). Plus aucune
trace!
Ainsi, il semble que le collectif des 39 a préféré supprimer son propre
texte de sa page Facebook que de laisser un simple commentaire potache (mais
argumenté) apparent aux yeux de ses lecteurs, et de prendre le risque d'engager
un débat sur le fond. Vous avez dit "Police de la pensée?"
je ne suis pas très convaincu par le graphe dénombrant certains mots clés. on pourrait faire la même chose avec l'AFIS par exemple et en choisissant bien les mots clés, je pense qu'on peut arriver à produire le même genre d'effet pour illustrer n'importe quelle théorie ou presque. le lien supprimé de FB ne me semble pas non plus si révélateur que ça, ils auraient très bien pu supprimer simplement ton commentaire par exm. les remarques au début de l'article me semblent autrement plus convaincantes :)
RépondreSupprimerPS: le système de vérification anti bot est tellement complexe que j'ai du m'y prendre à plusieurs fois pour valider ce commentaire...
Bien sûr une condition contrôle serait souhaitable, pour comparaison.
SupprimerSur le site de l'AFIS nul doute que les mots scientif, éval, valid, répliqu, etc. sortiraient un grand nombre de fois. Peur aussi, sans doute, du fait de l'utilisation de l'expression "marchands de peur". Mais je suis prêt à parier que le champ lexical du totalitarisme serait au ras des pâquerettes. Et l'utilisation de ces mots n'a rien d'anodin.
Maintenant, quiconque fait des prédictions différentes est invité à collecter lui-même les données et à poster les résultats ici!
(attention pour faire de véritables comparaisons, il faudra convertir les nombres d'articles en pourcentages des articles publiés sur chaque site)
Et je ne tiens pas à monter en épingle un billet effacé sur facebook. Pour moi c'est juste une anecdote savoureuse s'agissant d'un article dénonçant la "police de la pensée"!
SupprimerMais je ne crie pas à la censure, par exemple. C'est leur page facebook, il est normal qu'ils y publient ce qu'ils veulent. J'ai tout le loisir de m'exprimer librement ailleurs, y compris sur les choses qu'ils jugent bon de supprimer sur leur page...
La police de la pensée a encore sévi: j'ai posté 3 nouveaux commentaires sur la page facebook du collectif des 39 (https://www.facebook.com/groups/68490100984/?fref=ts). Deux portaient sur la Mad Pride (sujet du billet en question), et le troisième était le lien vers le présent article. Comme chacun peut le constater, ce dernier a été supprimé. Et en plus ils m'ont blacklisté pour que je ne puisse plus poster sur leur page.
RépondreSupprimerEncore une fois, je ne leur en veux pas, c'est leur droit le plus strict, c'est leur page facebook après tout. Mais je trouve très amusant cet empressement à bloquer et à effacer toute trace d'opinions dissidentes, quand on est si prompt à brandir le chiffon rouge de la "police de la pensée".
Le collectif des 39 tente d'améliorer son score dans mes statistiques avec ce nouvel article: http://www.collectifpsychiatrie.fr/?p=7252
RépondreSupprimerLe titre vaut déjà son pesant de cacahouètes: "Fédérons nos rêves pour résister à l’occupation de nos libertés de conscience".
Morceaux choisis:
"La haute autorité de santé est le centre organisateur du mouvement des troupes d’occupation qui organisent le contrôle et commencent à imposer ses interdits dans notre territoire des libertés de penser et de faire."
"Nous faudra-t-il rédiger dans la suite du « Eichmann, un procès à Jérusalem » un « l’HAS, un procès à Orly » ?"
Visiblement, les auteurs de ces textes n'ont pas encore pris conscience de l'indécence de l'évocation systématique de la Shoah pour tenter de protéger leur petit business psychothérapique, et de l'irrespect fondamental que cela implique à l'égard des véritables victimes des totalitarismes.